Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Sur l'agenda

logo-Ensemble-jan2014.png

Recherche

Mobilisation

16 février 2007 5 16 /02 /février /2007 12:41

Stéphane Rozès : "Le problème, c'est la cohérence de Ségolène Royal elle-même"
LEMONDE.FR | 16.02.07

oseline : Une semaine après Villepinte, peut-on dire que le "soufflé" est retombé comme semblent d'ailleurs le dire certains dirigeants socialistes eux-mêmes ?
Stéphane Rozès : Dans les mesures actuelles dont nous disposons, que ce soit sur la campagne de Ségolène Royal, ou de façon plus régulière des intentions de vote, la prestation de Ségolène Royal n'a pas eu pour elle les effets escomptés. La baisse de Ségolène Royal a commencé bien avant Villepinte. Dans les intentions de vote de l'institut CSA pour en rester aux mesures de second tour, durant un an de janvier 2006 à la mi-janvbier 2007, Ségolène Royal était devant Nicolas Sarkozy. A partir du 17 janvier, au second tour, elle est à 48 %, le 31 janvier à 47 %, et au lendemain de Villepinte à 46 %. Momentanément, elle n'a pas réussi à inverser la tendance. Il n'est pas exclu que si elle n'a pas convaincu les Français, elle ait donné aux militants socialistes et au-delà aux sympathisants, une feuille de route à même d'infuser dans le pays une dynamique. 


Weinaiko : La démission d'Eric Besson de l'équipe de campagne de Mme Royal n'annule-t-elle pas tout effet Villepinte positif ?
Stéphane Rozès : Sans vouloir être désagréable à l'égard de M. Besson, à la fois élu et expert reconnu, sa notoriété n'est pas suffisante pour que l'effet soit direct. Par contre, à un moment où le chiffrage du projet présidentiel de Nicolas Sarkozy et du pacte présidentiel de Ségolne Royal fait débat, c'est bien évidemment chez les leaders et relais d'opinion un indice d'une difficulté de réglage dans la campagne de Ségolène Royal. Mais ne nous trompons pas, pour les Français, la question de la crédibilité des mesures est importante. Mais en amont, de façon plus décisive, me semble-t-il, c'est la question du projet, et donc des finalités des politiques économiques dont la fiscalité est au service, qui est décisive pour les Français.

Eikichi : Pensez-vous que Villepinte était la dernière chance de Ségolène Royal ?
Stéphane Rozès : Cette campagne, comme les précédentes, nous a montré qu'il y a toujours jusqu'au dernier moment des renversements de tendances. Les Français attendent beaucoup de cette campagne. Actuellement, ils en sont déçus, mais ils continuent à suivre très précisément ces rebondissements, et les intentions de vote que nous mesurons, les dynamiques des uns comme François Bayrou et les difficultés des autres, sont autant de messages adressés aux présidentiables. Au moment du vote, les Français se poseront d'autres types de questions que la seule appréciation de la façon dont aujourd'hui les candidats construisent une cohérence entre leur personnalité, leur projet et les mesures pour le mettre en oeuvre. La question de la confiance sera, me semble-t-il, essentielle.

Noodles : Comment peut-il y avoir un effet "Villepinte" - et si tôt - dès lors que les "bourdes" et "erreurs" diverses sont objectivement déjà très nombreuses ? Autrement dit, sauf si N Sarkozy s'effondre, pensez-vous que cela soit encore jouable ?
Stéphane Rozès : L'électorat a pu avoir le sentiment dans la dernière période qu'il ne retrouvait pas la Ségolène Royal du début de campagne. Et donc, pour remonter dans les sondages, soit elle retrouve ses fondamentaux, soit, effectivement, il restera pour elle le terrain de l'image relative par rapport à Nicolas Sarkozy, dont la campagne, pour l'heure, se déploie comme une machine huilée. Les déplacements en province, les émissions télévisées, les interviews, les faits, gestes et propos des entourages, les événements qui surviennent sont suffisamment nombreux lors d'une campagne pour qu'ils donnent à voir, au moment où ils se produisent, ce qu'est la personnalité des présidentiables. Le pays attend pour cette présidentielle plus que d'autres d'abord de s'assurer de l'équation personnelle du futur titulaire de l'Elysée. La présidentielle demeure donc ouverte.

Delphine : Mme Royal sera lundi soir à la télévision, deux semaines après M. Sarkozy. Est-ce que l'on peut dire que ce soir-là ce sera "ça passe ou ça casse" pour elle ?
Stéphane Rozès : Ce sera un moment important, comme d'autres qui suivront. La difficulté pour elle est que ce qui faisait jusque-là sa force dans le pays était d'être sur un autre registre que Nicolas Sarkozy. Ségolène Royal a construit sa victoire à l'intérieur du parti socialiste à la suite de celle de son ascension dans le pays par le fait essentiel qu'elle était vécue comme une émanation directe du pays incarnant des valeurs et dont on pouvait se dire qu'à l'Elysée, elle serait la garante de valeurs de rassemblement à charge pour elle et les citoyens avec la démocratie participative de s'assurer qu'il y ait à Matignon un gouvernement de techniciens comptables du quotidien. La force de Nicolas Sarkozy a toujours résidé dans sa capacité à voir les problèmes, à définir des alternatives, à trier le bon grain de l'ivraie, et enfin à prendre une décision. L'émission de TF1, qui se justifie tout à fait dans sa forme - car elle correspond à une attente des Français - permet à Nicolas Sarkozy de déployer tout son savoir-faire  Il s'agira pour Ségolène Royal de répondre à l'exercice délicat et à la fois de répondre aux problèmes concrets qui lui sont soumis, tout en les resituant dans une cohérence présidentielle qui est la sienne.

Sami : quelles sont les raisons de cette situation ? Reproche-t-on à la candidate une faiblesse dans son programme ou son incapacité à être un général de combat ?
Stéphane Rozès : La crise est suffisamment grave pour les Français. Et l'attente de solutions urgente, pour que cette présidentielle ne ressemble pas aux précédentes. Les Français n'attendent nul combat. Aujourd'hui ils sont déçus justement de ce que la campagne semble être ramenée à des anecdotes et à des affaires qu'ils considèrent secondaires. La source de ces problèmes, comme je l'ai indiqué, vient d'une insuffisante cohérence entre sa personnalité, son projet et ses mesures de résolution. A contrario, la progression de François Bayrou est l'expression d'une plus grande cohérence qui séduit pour partie des électeurs socialistes.

JAK° : Les Français et le sympathisants n'ont-ils pas l'impression que l'équipe de Ségolène et le PS ne sont pas vraiment en ordre de marche ?
Stéphane Rozès : Je pense que pour les Français et les électeurs potentiels de Ségolène Royal, le problème n'est pas tant la cohérence entre elle et le PS que la cohérence de Ségolène Royal elle-même. En un mot, il s'agit bien d'une élection présidentielle ni législative, ni municipale, ni européenne. Plus que toute autre, parce qu'il s'agit de redéfinir l'identité nationale à partir des valeurs communes partagées, avant même la question des politiques gouvernementales, il s'agit de la rencontre entre un homme, une femme, et le pays. Les candidats sont soutenus par des partis, mais en aucun cas les partis ne doivent être un écran entre les candidats et le pays.

François83 : Les courbes d'intention de vote entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal se sont croisées en janvier , Mr Bayrou peut-il passer devant Ségolène d'ici la fin de la campagne présidentielle ?
Stéphane Rozès : Pour cette présidentielle, rien n'est exclu. Les candidats des grandes formations de droite et de gauche peuvent être au premier tour soit à 15 % soit à 35 %. Les définitions des identités politiques sont remaniées par la nature de cette élection et par le fait que les individus puissent être idéologiquement sur le souhaitable sur des valeurs de gauche, par exemple, mais politiquement à droite, quand le souhaitable n'est pas possible pour en revenir à des marqueurs individuels de distinction selon le mérite. François Bayrou représente une alternative à l'intérieur du système. A CSA, nous avons un Front National plus élevé que nos confrères, mais les courbes entre Jean-Marie Le Pen et François Bayrou sont en train de se croiser. La question est de savoir si la candidature Bayrou peut passer d'une alternative à l'intérieur du système par défaut à une alternative de construction. En un mot, l'électorat va-t-il sur François Bayrou pour faire passer un message de mécontentement de ce que la promesse que la droite et la gauche allient le pouvoir et la volonté politique s'éloigne ? Ou François Bayrou construit-il dans l'esprit des Français qu'il peut être le titulaire de l'Elysée avec les moyens qui en découlent ?

Samuel : Est-ce que le manque de crédibilité de Ségolène Royal, Villepinte ou pas, n'est pas plus largement celui du PS, et de ce qu'on pourrait appeler le syndrome 83. Le PS continue à Nous (se ?) faire croire qu'il y a une autre politique économique possible, tout en faisant le contraire au pouvoir, depuis le tournant de la rigueur de 1983. Cette "duperie" ne finit-elle pas par ronger toute crédibilité, quel que soit le candidat PS ?
Stéphane Rozès : Au fil des alternances, les Français ont été vaccinés des promesses dont ils se disent qu'elles ne pourront pas être réalisées. La gauche a toujours été , dans son histoire, prise dans une contradiction entre les demandes économiques et sociales pour conquérir le pouvoir et sa capacité d'y répondre dans l'exercice du pouvoir. La première gauche, les socialistes aujourd'hui incarnés par Laurent Fabius, répondait : il faut aller vers les classes populaires, et on verra ensuite. La seconde gauche, les socio-démocrates, Dominique Strauss Kahn, répondait qu'il ne faut pas promettre la lune, on verra chemin faisant.  La gauche antilibérale ou anti-capitaliste dit : ils vont vous décevoir, mais plus tard nous aurons les solutions. Ségolène Royal avait un autre chemin. Elle disait : on va décider ensemble, je suis votre représentante exclusive, et ensuite, "sac à dos, on gravit la montagne". C'est ce chemin qui semble s'être dissipé dans les dernières semaines.

Thomasdepraetere : Quel est le poids du non-soutien de la presse et des intellectuels pour Ségolène Royal ?
Stéphane Rozès : Aucun. C'était déjà le cas lorsqu'elle était devant Nicolas Sarkozy.

Maximef : Dans l'hypothèse où sa baisse dans les sondages se confirmerait... la direction du Parti socialiste peut-elle décider du remplacement du candidiat ou est-ce trop tard ?
Stéphane Rozès : Il n'est pas de mon ressort de répondre à cette question, mais du point de vue de l'opinion, le voyage présidentiel a commencé avec une candidate. La présidentielle, ce sont des rites démocratiques et on ne change ni de bateau ni de ligne de route, ni de capitaine au long du parcours.

Pedro : Comment voyez-vous les prochaines semaines de campagne pour Ségolène Royal ? Est-ce que la baisse va se poursuivre ?
Stéphane Rozès : Nul ne peut sérieusement répondre à cette question. Chaque candidat doit construire sa cohérence dans un rapport direct et vertical avec le pays. Le paradoxe de la période est qu'on regarde d'abord les candidats qui semblaient renouveler et régénérer l'un la gauche, l'autre la droite. Et en plus semblaient vouloir du pouvoir pour en faire quelque chose au service du pays. Cela conduisait à une attente plutôt d'un duel Sarkozy/Royal. Nous sommes aujourd'hui dans une phase de déception. Si elle perdure, tout devient alors possible pour le deuxième tour.

Chat modéré par Gaïdz Minassian



 
Partager cet article
Repost0

commentaires