Analyse et amendements du DAL au projet de loi Droit au logement : version Sénat
1 - Analyse générale :
La fédération DAL a suivi attentivement l’évolution du projet de loi étudiée au Sénat et présentée le 15 février à l’Assemblée nationale.Contrairement à nos inquiétudes initiales, le projet de loi n’a pas régressé et a même reçu quelques améliorations.
Mais la nature du texte reste la même : il s’agit au fond d’un réaménagement, du contingent préfectoral, De ce point de vue, il pourrait obliger l’Etat à reprendre en main son quota de 25% des attributions de logements sociaux, Ce dispositif pourrait mettre un terme au délaissement du contingent préfectoral destiné traditionnellement aux publics prioritaires, hormis quelques Préfectures comme celles de l’Ile de France, du Rhône et quelques autres qui ont maintenus un service pour gérer cette offre.
Il devrait aussi revenir sur la délégation de ce contingent aux maires, qui avait été autorisée depuis la Loi Rafarin de décentralisation,. Ainsi en région parisienne, notamment dans les hauts de Seine et les Yvelines, le transfert de ce contingent a renforcé les pratiques clientélistes et arbitraires d’attribution des HLM.(Des pratiques que nous connaissons bien dans les Alpes-Maritimes ! Ndlr)
Le contingent préfectoral s’il était utilisé à plein, permettrait de loger entre 80 et 100 000 demandeurs chaque année, La demande de logements social est évaluée à 1 300 000, sans qu’il soit possible d’en connaître les caractéristiques détaillées. A Paris, selon les statistiques annuelles, uniques en France, 66% des demandeurs sont des ménages modestes, 33% sont hébergés chez des tiers ou logés de façon précaire. Incontestablement le contingent préfectoral ne suffira pas à répondre à la demande de logement des publics prioritaires définis dans le projet de loi. C’est sans doute la raison pour laquelle le dispositif met en place trois niveaux de filtrages, ou de tri , des demandeurs en difficulté de logement.
1ére étape : les demandeurs peuvent saisir la commission de médiation, et leur demande est enregistrée s’ils satisfont aux critères définis dans la loi (ancien demandeur et «demandeur, de bonne foi, dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, ainsi que, s'il a au moins un enfant mineur, lorsqu'il est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent »). La notion de bonne foi ouvre à des interprétations arbitraires.
2e étape : la commission a validé la demande : « Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement. Si elle estime que le demandeur est prioritaire mais qu'une offre de logement n'est pas adaptée, elle peut prévoir un accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale. Elle peut faire toute proposition d'orientation des autres demandes. ».
A ce stade la décision de relogement, d’orientation vers un hébergement ou de rejet par la commission est laissée à sa libre appréciation. Elle « reconnaîtra » les prioritaires, selon ses propres critères, jugera toujours selon ses propres critères de « l’attribution d’un logement en urgence », Elle aura pour seules obligation de respecter un délai d’examen fixé par décret. C’est donc une commission aux pouvoirs importants qui aura à fixer l’avenir des demandeur en situation d’exclusion par le logement.
Dans un tel contexte, la nécessité de motiver au demandeur la décision de la commission, et la possibilité pour le demandeur d’introduire un recours en référé pourraient permettre d’élargir un cadre restreint par les possibilités ouvertes par le seul contingent préfectoral, sachant que les mal-logés seront sans doute les moins bien armés pour ouvrir des recours contentieux.
Ce deuxième « écrémage » sera sans doute le plus important, et les critères de sélection établis par l’Etat, les collectivités territoriales, les bailleurs, et les associations de locataires ou d’insertion, qui composent la commission se révèleront sans doute « raisonnables », au vue des capacités de relogement disponibles sur le contingent préfectoral. Les critères de sélection seront, comme on le voit actuellement s’agissant des « accords collectifs départementaux » visant les même publics, établis en fonction de l’offre programmée par les acteurs du logement (et de la crise du logement).
La possibilité ouverte à la commission d’orienter vers une structure d’hébergement n’est pas acceptable, car elle transforme en un tour de main cette loi sur le droit au logement opposable en une loi sur le droit à l’hébergement opposable. Nous connaissons tous les limites, les insuffisances de l’hébergement, et son coût élevé pour la collectivité.
La mobilisation du contingent Préfectoral ne pourra suffire à satisfaire aux priorités, c’est la raison pour laquelle, il faudrait mobiliser d’autre contingent, particulièrement celui du 1% logement qui a échapé aux accords collectifs et aux autres obligations de relogement. Les outils de la réquisition, de la sous location, ou de la mise à disposition ne devraient pas non plus être écartés, or ils l’ont été par le Sénat.
Enfin, les associations de « défense des personnes en situation d’exclusion par le logement » ont été écartée de la commission, pourtant leur présence garantirait une parole indépendante et située sans ambiguïté dans le camp de ceux et celles à qui cette loi est dédiée . Cette définition est créée par la Loi de lutte contre les exclusions, du 31 07 1998, article 31, et englobe DAL, ATD quart monde et l’UNIOPSS.
3e étape : Dans l’hypothèse très improbable où la commission de médiation viendrait à recommander des relogements d’urgence en nombre plus élevé que ne peut en accepter le contingent préfectoral, le Préfet peut orienter le demandeur vers une structure d’hébergement ou assimilée . Ce n’est que dans l’hypothèse où le Préfet ne dispose pas d’une proposition d’hébergement suffisamment inacceptable pour être refusée par le demandeur, que celui ci, s’il en a le courage et s’il y croit encore, pourra saisir le juge pour obtenir indemnité et astreintes …
Il faut noter que rien n’interdit au Préfet et à la commission d’éclater une famille dans différentes structures d’hébergement, y compris par le placement des enfants,
Il est évident que ce projet de loi n’a pas pour objectif de pousser l’Etat à dépasser les limites des politiques actuelles.
Au final, ce projet de loi ménage l’État et a pour objet de contenir la marée des prioritaires. Il constitue un réaménagement du contingent préfectoral.
Or pour faire progresser le droit au logement pour tous, il faut placer la collectivité publique dans une obligation de résultats et pousser le prochain pouvoir politique en France à s’atteler à la tâche. Or le projet actuel ne se place pas dans cette perspective, et les auteurs de ce texte comptent encore une fois leurrer l’opinion, et cette fois, avec une certaine habileté.
2 - Descriptif du projet de loi :
Le projet met en place trois niveaux de filtrages :
– 1 - la saisie de la commission est ouverte à la plupart des publics en difficulté, à l’exclusion des sans-papiers des demandeurs d’asile, qui resteront au main des marchands de sommeil . Le demande devra donc au préalable être validée par la commission .
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– 2 - la commission opère un premier tri et sélectionne les publics qui doivent répondre à deux critères généraux : la commission doit juger que le demandeur est « prioritaire » et que sa demande « doit être satisfaite d'urgence ». Des critères internes et sans doute opaques seront mis en place, par la commission de médiation, laquelle n.
– La commission a même le pouvoir « d’orienter » les demandes qui ne répondent pas à ces deux critères vers une structure d’hébergement ou assimilé, ce qui rend possible un placement des enfants, et un éclatement de la famille. On ne sait ce qu'il advient de la demande des mal-logés, s'ils refusent par exemple une orientation vers des hébergements indignes.
– La commission n’est pas astreinte de motiver par écrit sa décision, et sa décision ne peut être contestée …
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– 3 - le Préfet qui reçoit les injonctions de la commission, doit apporter une réponse concrète. Il a deux possibilités :
- désigner un organisme HLM pour attribuer un logement social sur le contingent du Préfet. Les sanctions en cas d’inobservation restent faibles et il n’est pas fixé de délai de relogement.
- « proposer une structure d’hébergement », ou assimilé. …. On craint le pire
- le projet de loi avait muni l’État d’autre moyens de relogement, cette possibilité a été supprimée par les Sénateurs…
3 – Propositions d’amendements du DAL:
1 – supprimer les filtrages et l’orientation dès lors que le requérant satisfait aux critères définis pour la saisie de la commission, ainsi que l’orientation d’office vers des structures d’hébergement :
Article 2, rédiger ainsi le 12e alinéa: « Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs prioritaires lorsqu’ils répondent aux critères définis dans le présent article ».
Article 3, supprimer la fin du 2e alinéa à partir de «ou une proposition d’accueil dans une structure d’hébergement ... »
2 – Élargir les possibilités de relogement Préfectoral :
Article 2, 15e alinéa, ajouter à la fin : « ou tout autre logement correspondant aux besoins et aux possibilités du demandeur »
3 – Renforcer le droit de recours du demandeur débouté par la commission de médiation :
Article 2, ajouter après le 12e alinéa :
La décision de la commission, de rejet, d’orientation, ou de relogement, est motivée par écrit au demandeur dans un délai d’un mois.
4 - Inclure les associations de défense des mal-logés dans la commission de médiation :
Il est nécessaire d’inclure dans les commission de médiation les associations de défense des personnes en situation d’exclusion par le logement, car elles sont les seules à vraiment défendre l’intérêt des mal-logés.
Article 2 à la fin du 8e alinéa, ajouter les mots « et les associations de défense des personnes en situation d’exclusion par le logement »
5 – En cas d’orientation ou d’hébergement, ne pas permettre un éclatement de la famille, un placement des enfants ou un hébergement indigne :
La rédaction de la loi est suffisamment floue pour que la commission ou le préfet puisse proposer un placement des enfants en structure d’hébergement, et les parents dans d’autres structures, ou orienter le demandeurs vers des hébergement indignes.
Article 2, à la fin du 12e alinéa, avant la dernière phrase, ajouter : « cet accueil ou cette proposition doit respecter l’unité de la famille et doit satisfaire des conditions dignes et décentes »
6 – Permettre à la ville de Paris de mettre en œuvre le droit au logement opposable et le droit de réquisition :
Article 5 quinquies (nouveau), après le 1er alinéa, inclure le paragraphe suivant : « la ville de Paris peut passer aussi une telle convention avec l’Etat et devenir kle garant du droit à un logement décent et indépendant »
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