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14 janvier 2007 7 14 /01 /janvier /2007 16:21

La candidature Bové,

l’élan unitaire

et la reconstruction de la gauche.

 

samedi 13 janvier 2007, par gwen
Notre appel à l’unité de la gauche autour de José Bové rencontre un énorme succès qui ne pouvait être un secret de Polichinelle que pour les éternels sceptiques. Quelques jours ont passé depuis le lancement de la pétition et nous atteignons allègrement les dix mille signatures, il nous faut maintenant penser le processus en oeuvre et comprendre ce que nous engageons.

Il suffisait de s’appesantir quelques minutes devant la diversité des signataires pour apercevoir un phénomène qui va bien plus loin que notre seule sympathie à Bové, sympathie à laquelle nos critiques auraient bien voulu nous réduire. Notre mouvement se regroupe autour de la figure de José, parce qu’il incarne un large éventail du mouvement social français, mais nous ne pouvons pas nous réduire à observer cette confluence du nombre autour d’un seul. Nous devons nous penser nous pour envisager le projet que nous pouvons porter et l’envergure du mouvement. Si l’on fait une sociologie assez rapide des signataires, nous pouvons apprécier différents éléments pour tenter de répondre à la question "qui sommes-nous et que projetons-nous ?".

1) Dans les cent premiers signataires, nous retrouvons des personnalités plus ou moins connues dans le champ politique des mouvements sociaux, des organismes militants, des collectifs de critique du néo-libéralisme, des syndicats divers, des partis politiques minoritaires de la gauche et de l’extrême gauche. En définitive, nous pouvons résumer cette observation superficielle en considérant ces acteurs comme représentatifs du coeur du mouvement altermondialiste qui a renouvelé la vie politique française et internationale depuis la chûte du Mur de Berlin et la fin des utopies. Sans se réduire, s’opposer ni se confondre, l’autre composante majeure parmi ces premiers signataires est la présence d’individus issus de ce que nous pouvons caractériser comme la gauche intellectuelle française. Artistes, écrivains, professeurs, journalistes, etc, qui participent d’un mouvement de revitalisation de la critique et de sortie de la morosité de l’intelligentsia française depuis les désillusions post-68. Cette convergence hétérogène entre divers acteurs de la société civile pour tenter une réunification de la gauche dans le panorama politique français semble alors symptomatique d’un bouleversement à l’oeuvre et qui engage une rupture sur le long terme. Il n’y a pas une ligne politique déterminée selon un héritage politique unanime, le rassemblement dénote alors plus un processus en devenir qu’un événement qui marquerait la fin de quelque chose.

2) Si l’on se pose maintenant la question de la cartographie de ce soulèvement citoyen en faveur de Bové, ou qui utilise Bové comme alibi, comme point commun par défaut, nous sommes assez impressionnés de constater l’impossibilité d’une certaine logique géographique. Les initiateurs du site sont visiblement originaires du sud de la France, on parle de Marseille, Montpellier, le Larzac, cette France du sud qui a toujours plutôt subi l’hégémonie politique du nord et avant tout, l’hypertrophie parisienne. Mais la pétition ne montre aucune homogénéité territoriale, tous les points de la métropole sont touchés, et au-delà : en outre-mer et quelques voix par delà la Manche, l’Atlantique, la Méditerranée soutiennent cet élan unitaire. On ne peut non plus constater un flux de personnes géographiquement déterminées, comme on aurait pu imaginer le déplacement de la rumeur de villes en villes, pensons à la Révolution française. Il n’en est rien, sans doute doit-on considérer dans ce phénomène l’outil de l’internet qui permet la virtualisation de la participation politique, la synchronisation des forces et la déterritorialisation des paroles.

3) Si l’on considère maintenant la gamme des statuts socio-professionnels, on est stupéfait de la diversité des activités de chacun. De l’étudiant à la retraitée, de l’intellectuel au jardinier, du médecin à l’informaticien, du chômeur au "mécano citoyen". On rajoute le mot "citoyen", comme quelque chose de en plus, de pas donné d’avance, pas évident. Celà révèle comment la responsabilité "citoyenne" des signataires de l’appel obéit à un élan spontané, par delà une légitimité institutionnelle, symbolique, médiatique à porter un projet politique. La responsabilité incombe à l’anonyme, l’invisible autant qu’au "dominant symbolique", comme qui dirait le bon vieux Bourdieu (style Michel Onfray). Les absents dans la liste, pourtant si variée, sont les dominants socio-économiques traditionnels, cadres supérieurs, entrepreneurs...

4) Enfin, l’activité hors reconnaissance institutionnelle, explicitée dans la case auxiliaire après la profession légale, permet une définition personnalisée du signataire. Allant de l’auto-définition ironique (activité : mille), activiste (militant intel, syndicaliste, maire) étendue (citoyen du monde), précise (grand-mère), optimiste (vive 2007) témoigne d’un rapport très personnel à l’activité politique. La relation est faite entre le sujet individuel et le sujet politique. La participation à la sphère politique inclut la singularité du citoyen. La politique (politeia : vie de la cité) n’est plus réservée à un corps auto-proclamé ou légitimé socialement comme seul propre à mener les affaires publiques. Nous pouvons rapprocher ce fonctionnement de l’idée d’autonomie de Castoriadis, contre l’hétéronomie, (l’hors société) du pouvoir décisionnel. Chacun se réserve le droit, non pas métaphysiquement (tous les citoyens naissent libres et égaux) mais "foncièrement" de projeter sa voix dans le débat, provocare, provoquer l’ordre institué.

5) Et pour faire une analyse socio-politique classique, l’identification politique de chacun montre que tous les groupes de l’activité politique traditionnelle (de gauche uniquement, cela va de soi) sont représentés. Des partis (Verts, LCR, PC, PS, LO ?), des syndicats (CGT, FO, CFDT, la Conf...), des collectifs divers que nous n’énumérerons pas ici, pour que la lecture reste quelque peu digeste !, les mouvements altermondialistes (ATTAC, Fondation Copernic, etc), des médias et sites web autonomes (Zalea, Rushes, 69.3...). Convergent des individus de toutes ces entités, transcendant les barrières et clivages traditionnels, contredisant les guerres de chefs et d’ego.

Nous pouvons ainsi, après une sociologie rapide de notre force en gestation entrevoir un mouvement qui dépasse les structures instituées, une convergence d’individus citoyens, autonomes, pour un rassemblement unitaire. En allant plus loin, nous constatons d’une certaine manière que ce conglomérat de voix va bien au-delà de Bové (contre les réductions hâtives ou dédaigneuses) et c’est bien plutôt une unité dans l’hétérogénéité. Bové est un point de convergence, une possibilité d’accord, par la médiatisation maîtrisée de son travail, par son refus de s’attacher à une ligne orthodoxe, normative, par l’absence d’une hiérarchie autour de lui qui fermerait l’identification et la représentation du corps électoral. Nous pourrions dire que la candidature Bové à cela de grand que l’ego est petit. Bové est l’arbre qui cache la forêt, et cette forêt n’est peut-être rien d’autre que le peuple de France qui apparaît subrepticement le 21 avril, le 29 mai, contre le CPE, contre le karcher, contre les OGM... Alors, les pré-carrés de chacun vont-ils encore longtemps éclipser la forêt dans l’ombre qui attend ? Ou saura-t-elle à nouveau redonner de l’oxygène à notre bonne vieille Gaule ?

 

http://www.unisavecbove.org/spip.php?article89
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