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28 avril 2007 6 28 /04 /avril /2007 23:06
Déclin ou rebond ?
LE MONDE | 28.04.07 .

quelques jours du changement de locataire à l'Elysée, Le Monde a demandé à Nicolas Baverez, auteur de plusieurs ouvrages sur le déclin français et longtemps séguiniste, et à Daniel Cohen, vice-président de l'Ecole d'économie de Paris et économiste engagé à gauche, leur jugement sur l'état du pays.

La France décroche-t-elle? La réponse ne fait pas de doute, et elle est positive, pour le plus connu des "déclinologues" français qui nuance en préambule sa pensée. "Le déclin, dit-il, ce n'est pas la décadence. Il n'a rien d'inéluctable, il est par définition réversible dès lors que l'on prend les décisions qui s'imposent." Pour M. Baverez, la France est dans une situation de déclin "non pas absolu mais relatif". "En dix ans, elle est passée du 4e au 6e rang mondial pour la puissance économique, du 7e au 17e pour la richesse par habitant. Et ses performances sont moins bonnes que celles de ses voisins." Et de comparer avec l'Allemagne qui affiche, aujourd'hui, "2,7 % de croissance, un million de chômeurs en moins, un déficit public de 1,7 % du PIB".

"POLITIQUES MALTHUSIENNES ET COLBERTISTES"

Pour ce libéral qui ne cache pas son adhésion aux thèses de Nicolas Sarkozy, "la France a des atouts formidables, mais une stratégie déficiente". "Les politiques malthusiennes et colbertistes menées par des gouvernements incompétents ont donné des résultats déplorables : croissance enrayée, chômage de masse depuis un quart de siècle, paupérisation relative de la population, blocage progressif des institutions, pulsion des extrémismes, poussée protestataire et non au référendum du 29 mai 2005", analyse-t-il. M. Baverez souligne aussi "l'éclatement de la nation en corporations et en communautés, avec 750 ghettos urbains dans lesquels plus de 3 millions de personnes vivent en dehors de la société, le dernier élément de la crise étant la perte d'influence française en Europe".

Mais l'élection présidentielle 2007 donne au biographe de Raymond Aron des raisons d'espérer. "Les Français ne sont plus au stade de la protestation, du désespoir, du cynisme des Mitterrand et Chirac. Ils en sont à la recherche de solutions", estime-t-il. Les deux tiers d'entre eux et les principaux candidats ont pris conscience, selon lui, de la réalité du déclin, et "quel que soit le candidat élu, le 6 mai, il disposera d'un mandat politique pour mener à bien les changements nécessaires".

LES FRANÇAIS "TRAVAILLENT AUTANT" QUE LEURS VOISINS

L'économiste Daniel Cohen, lui, s'inscrit en faux contre toute idée de déclin français. "La France a certes été dépassée par des pays comme l'Irlande ou la Finlande, qui ont connu une croissance très forte au cours des vingt dernières années. Mais c'est une escroquerie statistique de donner à penser qu'elle aurait décroché par rapport aux pays qui lui sont comparables", estime-t-il. "Le revenu par habitant y est, à la virgule près, celui de l'Allemagne et du Japon. Il est un peu derrière celui du Royaume-Uni et devant celui de l'Italie, mais dans des ordres de grandeur très proches. La différence est plus forte avec les Etats-Unis." Pour le chroniqueur associé au Monde, il faut se demander "pourquoi les pays européens se sont laissé distancer par les Etats-Unis, et pourquoi ils n'ont pas été davantage les acteurs d'une nouvelle révolution industrielle, presqu'exclusivement américaine". Une interrogation "qui ne concerne pas la France seule".

Quant à la responsabilité du modèle social souvent invoquée pour expliquer un prétendu déclin français, M. Cohen n'y croit pas : "Les Français travaillent annuellement autant que les Néerlandais, les Suédois, les Allemands" et "beaucoup d'économistes pensent que ce sont les Etats-Unis, dont la durée du travail baissait avant la crise mais qui est bloquée depuis plus de vingt ans, qui sont l'exception".

A ses yeux, la vraie "pathologie" française et européenne, c'est "la faiblesse du système d'enseignement supérieur et de la recherche". "Les dépenses françaises par étudiant ont longtemps été inférieures aux dépenses par lycéen. En recherche et développement, la France est à 600 dollars par tête quand les Etats-Unis sont à 1100 et dans l'Europe des 15, on ne dépense que 520 euros par tête". "Va-t-on laisser les Etats-Unis acquérir le monopole de la production du savoir?", s'interroge M. Cohen, pour qui l'enjeu majeur du 6 mai est "de savoir si la France peut reprendre confiance en elle" et "retrouver l'intelligence de soi", après "l'incroyable mutation" des vingt-cinq dernières années. Rémi Barroux et Claire Guélaud


Rémi Barroux et Claire Guélaud

Profil

Nicolas Baverez, énarque, historien
et avocat, est notamment l'auteur de
La France qui tombe (Perrin).

Daniel Cohen, professeur d'économie
à l'Ecole normale supérieure, a publié de nombreux ouvrages dont Trois leçons sur la société post-industrielle (Seuil).

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